Contrat du siècle : les propos désarmants de Sandrine Rousseau

par | 26 Sep 2021 | Analyses

Le débat de la primaire écologiste a battu son plein toute la semaine. Les deux candidats – Yannick Jadot et Sandrine Rousseau se sont retrouvés ce 22 septembre sur le plateau BFMTV. À cette occasion, la candidate écoféministe est intervenue sur la question de l’annulation du contrat de vente des sous-marins nucléaires français à l’Australie en indiquant que cet épisode concernait « uniquement la France (…) et pas l’Europe ». Elle n’est pas la seule à émettre cette opinion. En matière de politique étrangère, les mots ont un sens et les analyses doivent être précises et mesurées. Ce qui semble lourdement manquer à la candidate écologiste.

Une affaire strictement mondiale

Cette affaire des contrats d’armement n’est pas locale. D’abord parce que l’appel d’offres initial auquel Naval Group (dénommée alors DCNS) a répondu mettait en concurrence les propositions de l’Allemagne et du Japon. Le fait que la France ait été sélectionnée pour ce « contrat du siècle » joue un rôle essentiel dans l’équilibre des pouvoirs, notamment avec l’Allemagne sur la politique d’armement en Europe (qui contrairement à ce qu’en dit Sandrine Rousseau existe bel et bien).

Naval Group est le leader européen du naval de défense. Le groupe réalise un chiffre d’affaires de 3,3 milliards d’euros et compte 15 798 collaborateurs (données 2020). Il est profondément ancré à l’international, il s’illustre dans la vente de dispositifs à de nombreux Etats du monde y compris au Brésil ou à Taïwan. Sa déstabilisation économique aura forcément un impact sur ses livraisons et sa compétitivité. Là aussi, le sujet n’est pas franco-français puisqu’il s’agit d’apporter les outils de défense à certains pays amis ou alliés.

Jouer avec le feu nucléaire : un problème global

Le sujet sous-jacent de ces contrats porte sur la question du nucléaire. À l’heure où certains se mobilisent pour inciter (coup d’épée dans l’eau) certains (dont le Vatican) à signer le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires (TIAN – 2017), l’Australie choisit de renforcer son alliance avec l’Amérique du Nord pour bénéficier du transfert de technologie déjà interdit par le Traité de Non-Prolifération (TNP – 1968), signé et ratifié par 190 Etats. Les deux traités ne recouvrent pas la même légitimité historique et juridique, ils n’auraient pas dû être confondus comme ce fut le cas durant le débat (là encore, on notera les approximations de la candidate).

Il y a donc comme un contre-sens de l’histoire avec des Etats-Unis obnubilés par la menace chinoise et cherchant à créer de nouvelles bases dans l’Indopacifique et les Australiens qui décident de jouer avec le feu, eux qui déjà dans les années 50 ne cachaient pas leurs ambitions nucléaires. C’est donc, au-delà de la symbolique question Française un sujet d’ordre essentiel au regard du droit international, de l’équilibre des puissances dans le Pacifique et de la répartition de la menace de mort au niveau mondial.

Candidat à l’élection présidentielle ou simple citoyen, il nous faut prendre la mesure de l’évènement qui dépasse de très loin ce qui s’est tramé depuis Cherbourg jusqu’à Canberra : sur les 44 pays nucléaires ou capables d’accéder au statut nucléaire dans un délai de quelques années, identifiés comme tels par le Traité d’interdiction des essais nucléaires, six disposent de véritables compétences et parmi eux… l’Australie ! Le fait de vendre des sous-marins à une puissance qui a des capacités nucléaires n’est donc pas neutre, ni anodin.

C’est jouer au petit comptable que de regarder la facture française alors même que le club atomique est en train de s’élargir.

L’Indopacifique : nouveau cœur battant de la mondialisation

L’affaire de l’annulation des contrats met en cause la raison d’être de l’OTAN.  L’Organisation du Traité de l’Atlantique-Nord, alliance militaire historique est empreinte d’une dimension occidentale qui s’efface à la mesure que le Pacifique devient le cœur névralgique du nouveau monde. Ce sont ainsi, parmi les pays du G20 pas moins de sept Etats (en sus du notre) : l’Afrique du Sud, la Chine, l’Australie, la Corée du Sud, l’Inde, l’Indonésie et le Japon qui se situent dans la zone.

Autant d’Etats de plus en plus riches, peuplés et prédateurs qui se sentent concernés lorsque de nouveaux systèmes d’armes sont mis sur le marché. La France prend d’ailleurs toute sa part dans l’axe Indopacifique en menant des exercices militaires conjoints avec les États-Unis, l’Australie, l’Inde et le Japon en mer de Chine (pour la première fois en mai 2021).

Acheter des armes, c’est acheter la paix

Cet épisode des sous-marins est la partie immergée de l’iceberg. La volonté d’influence des Etats-Unis sur la zone s’est renforcée ces dernières années. L’Australie ne s’aligne pas sur les Américains pour se protéger de la Chine, contrairement à ce qu’on peut penser de prime abord, elle s’aligne sur les Etats-Unis pour s’en protéger en se plaçant sous leur tutelle.

Il en va de même de certains Etats européens qui bénéficient depuis l’effondrement du bloc soviétique d’un parapluie militaire (ce que Lefebvre décrit comme l’identité singulière de l’Europe dans l’OTAN) que l’administration Trump menaçait de faire disparaître et qui sera dans les prochaines années réduit à peau de chagrin.

La question soulevée grâce à cette crise diplomatique est celle de la défense européenne. C’est peut-être même la seule conclusion sérieuse et objective qu’on pourrait tirer de la situation : nous ne pouvons plus dépendre des Etats-Unis pour assurer notre défense et notre sécurité. Pire, nous ne pourrons pas compter sur eux hors de l’Europe pour construire des partenariats fiables. Nous ne sommes donc plus alliés mais en rivalité dans cette zone du Pacifique.

C’est pour toutes ces raisons que l’épisode des sous-marins n’est pas « uniquement Français », qu’il est même avant tout mondial et européen. De là, rappelons qu’on ne gagne pas une élection présidentielle sur les questions internationales mais qu’on peut l’y perdre. La méconnaissance affligeante du sujet par la candidate comme par de nombreux analystes mériterait qu’on paraphrase Simone de Beauvoir « On ne naît pas stratège, on le devient ». Au travail !

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