Israël : remue-ménage nucléaire

par | 17 Oct 2021 | Analyses

«no deny, nor confirm»

L’ambassadeur d’Israël auprès des Nations Unies Gildad Erdan vient de confirmer via Twitter que son pays détient des armes nucléaires.

Cette fuite est le présage d’une révision de la politique israélienne…

Israël s’efforce à dénoncer les Iraniens comme de dangereux proliférateurs. Israël brandit des menaces, laisse entendre que le centre de recherche nucléaire de Natanz pourrait subir le même sort qu’Osirak, la centrale nucléaire bombardée il y a 40 ans et scénarise diverses opérations de contre-prolifération. Y compris à l’aide de missiles de croisière dotés de charge nucléaire qui peuvent être embarqués sur les sous-marins de la classe Dolphin qu’Israël s’est procurés auprès de l’Allemagne.

Mais ce genre de chantage est-il payant ?

L’ambiguïté nucléaire, atout ou fardeau.

« Le monde entier sait que vous possédez l’arme atomique, vous le confirmez ? »
— CIRPES – Centre Interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et d’Études stratégiques …

À cette question directe d’un journaliste d’Euronews en mai 1995, Shimon Pérès avait rétorqué : « le monde entier, sauf Israël ». La formule est jolie, mais elle ne tient plus la route aujourd’hui. Il semblerait plutôt que cette ambiguïté même dans le cas d’Israël, n’a plus les atouts que les adeptes de la dissuasion ont bien voulu lui attribuer.

Les temps changent. Le ‘no deny, nor confirm’ n’est plus jouable.

Le déni sur l’arsenal est intenable et d’autant plus intenable que le silence sur l’arsenal nucléaire est un secret de polichinelle. La paternité française de l’industrie nucléaire israélienne, civile et militaire est un fait acquis. Le représentant irakien à l’ONU a tenu à la rappeler, au lendemain de l’opération Babylone de juin 1981 (Cf. Nucléaire Israélien : vers la fin d’un tabou sur Athena 21).

Vingt ans plus tard, cette péripétie des années 50 a fait l’objet d’un documentaire diffusé par la télévision israélienne, suivi d’un article dans le Yediot Aharonot (le 29 septembre 2001) sur le rôle clef joué par Abel Thomas, le chef de cabinet du ministre Bourgès-Maunoury.

D’autres phénomènes sont à prendre en compte à Washington comme à Tel-Aviv : la prolifération nucléaire de la zone est dans l’air du temps, et ne se limite pas aux aspirations de Téhéran ; tandis que le Traité de Non-Prolifération (TNP) est en sursis ; et pas seulement parce que Washington vient, à la surprise générale, de cautionner un transfert de technologie pour les sous-marins de la marine australienne. Les Iraniens sont contrariés sur le plan diplomatique, mais ne sont pas découragés pour autant à atteindre leurs objectifs.

Un rapport émanant de l’UNIDIR, l’Institut de Nations Unies pour le Désarmement semble indiquer que le programme d’enrichissement a atteint un point de non-retour. Cette analyse explique en partie à la fois l’affolement du côté israélien et l’embarras d’autres capitales, dont Paris et Washington.

Une nouvelle initiative onusienne de zone exempte d’armes de destruction massive est lancée. L’expert nucléaire John Carlson qui plaide en faveur d’une zone dénucléarisée au Moyen-Orient a sorti son rapport en janvier 2021 ; et, concordance des temps, une nouvelle conférence sur ce chantier est prévue à New York du 29 novembre au 3 décembre 2021. Certains se mettent à espérer qu’une reconnaissance officielle de la part d’Israël pourrait déboucher sur une négociation internationale avec les Iraniens…afin d’édifier une nouvelle architecture de sécurité régionale.

Vienne, le passage obligé

Cette reconnaissance passe par une révision de la relation que Tel-Aviv entretient avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Or, aujourd’hui, la relation se caractérise par un grand flou artistique.

Comme l’expose Rafael Grossi, le directeur général de l’organisation à Vienne, lors d’un entretien le 8 octobre dans la revue Energy Intelligence : « Nos relations avec Israël sont celles qui existent avec un pays non adhérent du TNP, Israël ne l’a jamais signé » en ajoutant « je ne juge pas si c’est bien ou non ».

Mais l’explication de R. Grossi est un peu courte et ne rend pas compte de la réalité. Nombreux sont les États qui reprochent à son Agence de consacrer son énergie (sans jeu de mots) au programme nucléaire iranien tout en faisant l’impasse sur le programme israélien. Comme si les outsiders méritaient un traitement de faveur !

La situation est critique. Elle est de plus en plus critique, car, parmi ceux qui mettent le TNP en péril figurent non seulement les adeptes à la bombe comme l’Arabie Saoudite ou l’Iran, mais Israël, cet État qui s’autorise à la fois de sermonner certains États arabes au nom du Traité de Non-Prolifération (TNP), un Traité qu’Israël se glorifie de ne pas signer !

Révision en cours au sein de l’Administration Biden

Les seuls à avoir cautionné la posture israélienne sont aujourd’hui plutôt embarrassés. En vertu du pacte scellé avec le protecteur américain, qui remonte à 1969, Israël s’est abstenu de faire état de son potentiel, a accepté ne pas procéder au moindre essai nucléaire (d’où les démentis relatifs à un essai nucléaire dans le désert de Kalahari), et en contrepartie ne subir aucune pression pour adhérer au Traité de Non-Prolifération (TNP).

L’establishment du State Department s’est satisfait de ce ‘deal’ dans la mesure où l’assistance militaire des États-Unis à un État nucléaire aurait provoqué des remous, voire des protestations et refus. Si demain les dirigeants israéliens se convertissent à une certaine transparence, comment vont réagir les dirigeants démocrates à Washington ?

Au sein du Département, il était convenu d’affirmer que toute reconnaissance franche et ouverte par les officiels Israéliens de leur arsenal inciterait d’autres États du Moyen-Orient à développer eux-mêmes de telles armes. Mais en réalité, les candidats à la bombe se bousculent dans la région, en commençant par l’Iran et l’Arabie Saoudite, sans parler de tentatives égyptienne, libyenne et irakienne dans le passé.

B.C

 

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