Ainsi se déroule la sale guerre du Sahel

par | 2 Sep 2021 | Analyses

GUERRE RÉVOLUTIONNAIRE

« L’armée malienne est accusée d’avoir tué plus de civils l’année dernière que les insurgés djihadistes qu’elle est supposée combattre. » [tr1]
No strings attached? How Europe’s military support for Mali closes its eyes to abuses, 26 août 2021 

 

« Le manque de responsabilité de la France sur ses victimes civiles alimente la colère des Maliens et apporte du soutien aux mouvements djihadistes qui combattent le gouvernement de Bamako et les forces de Paris » [tr2], selon un universitaire malien, ex conseiller de l’ancien Premier ministre Moctar Ouane, cité dans Uncovering the civilian toll of France’s anti-jihadist war in Mali, 16 juin 2021

 

Au Sahel, les populations civiles sont la cible principale du conflit qui oppose la coalition internationale dirigée par Paris aux groupes djihadistes. Selon des rapports des Nations Unies, elles sont davantage victimes des armées locales et de leurs milices supplétives que des combattants islamistes.

L’opération française Barkhane, en voie de « redéfinition », participe aussi aux exactions contre les populations, même si en nombre plus réduit. Selon une enquête du site d’information Sahelien.com, les militaires français ont tué au moins 43 civils au Mali depuis 2018.

Une attaque de grande ampleur des troupes tricolores s’est déroulée en février 2020 contre un camp touareg, à Fatawada. En janvier de cette année, des frappes aériennes de Barkhane dans le village de Bounti ont provoqué la mort de 22 personnes. Trois mois après, une autre frappe, d’un drone cette fois-ci, a tué 6 jeunes chasseurs à Talataye, près de Gao.

La chronologie qui suit est une mise à jour des « incidents » et des affrontements dans le Sahel central où a lieu l’intervention extérieure (OPEX) française. Le recensement a été établi à partir de juin, quand le président Macron a pris la décision de revoir nature et modalités du dispositif de la guerre « contre le terrorisme » qui y est menée par Paris.

Elle donne des indications importantes sur l’évolution et la dynamique des forces sur le terrain, et leurs conséquences sur l’insécurité des populations.

Dans la succession des faits, nous avons introduit des informations utiles pour apprécier le cadre global dans lequel ils se déroulent.

 

 

Chronologie des « incidents » et affrontements

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Redéfinition du dispositif français et guerre d’influence entre le GSIM et l’EIGS

L’État Islamique dans le Grand Sahara (EIGS) se forme en 2015 suite à une scission au sein d’Al Mourabitoune et intègre, en 2019, l’État Islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO, ISWAP selon l’acronyme anglais).

Le GSIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) naît en 2017 de la fusion de 4 mouvements pré-existants : Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), Al Mourabitoune, Ansar Dine (sous la direction du leader touareg Iyad Ag Ghali, ancien consul du Mali en Arabie Saoudite) et le Front de libération du Macina (FLM) du prêcheur peul Amadou Koufa. Depuis, la coalition est affiliée à Al-Qaïda.

D’obédience salafiste, courant radical de l’Islam, les deux mouvements recrutent des combattants motivés davantage par des raisons d’ordre social et politique que religieux.

05/06/2021 – Burkina Faso :  Pendant la nuit du 4 au 5 juin, dans la province septentrionale de Yagha, frontalière du Niger, une attaque a fait plus de 160 victimes dans le village de Solhan. Selon des sources sécuritaires, « l’attaque, lancée par de nombreux hommes armés, a d’abord visé le poste des volontaires pour la défense de la patrie (VDP), supplétifs civils des Forces armées dans la lutte contre le terrorisme ». Selon un groupe de la société civile du Mali, « au centre du Mali ou dans la région de Tillaberi au Niger, c’est un fait pertinent partout où le recours aux milices a été admis, que les populations aient été exposées aux atrocités de masse. Cette stratégie favorise aussi le recrutement des groupes djihadistes ».

« Ils sont repartis tranquillement à l’aube avant que les forces de l’ordre n’arrivent sur place, trois heures plus tard »
— Le Maire d’une commune proche de Sebba

« Les massacreurs ont pu opérer leur œuvre de mort sans être dérangés alors que vous avez des détachements militaires supposés être à une vingtaine de kilomètres »
— Vincent Hugeux sur France 24

« Il y a une guerre d’influence entre le GSIM (Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans, ndr) et l’État islamique (EIGS, ndr) dans la zone des trois frontières. Peut-être que ce massacre de civils est une manœuvre de l’État islamique pour discréditer Al-Qaïda (auquel le GSIM est affilié, ndr) qui opère dans la zone ? », avance le chercheur Mahamoudou Savadogo. D’autant que les meurtres ont été indiscriminés, contrairement aux modes opératoires du GSIM qui ne tue pas femmes et enfants. Deux jours après, les assaillants sont revenus et ont incendié un centre social à Solhan.

11/06/21 – Mali : L’armée française abat le chef d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) responsable du rapt de journalistes en 2013. Huit ans après… Un timing très politique, pour illustrer la nouvelle stratégie de Paris, présentée à la télé par le président Macron deux jours auparavant.

12/06/21 – Mali : Un pick-up de l’ONG GAS Mali a été enlevé par des individus armés sur la Route Nationale 15, dans la région de Mopti (Centre). C’est le second incident du genre en une semaine, les ONG étant dans le viseur des groupes armés.

15/06/2021 – Mali : Dans la région de Menaka (Nord, près de la frontière avec le Niger), une embuscade tendue par l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) contre une patrouille de la force française Barkhane aurait coûté la vie à un militaire français et fait des blessés. Un nombre indéterminé de « terroristes » a été tués par l’aviation, selon un communiqué de l’armée française.

18/06/21 – Mali : Ikaraye, le plus haut responsable touareg de l’EIGS, son petit frère et d’autres proches ont tués au sud-ouest de Menaka par les récentes opérations conjointes de la force européenne Takuba avec les Forces Armées Nigériennes (FAN).

21/06/21 – Mali : Les djihadistes ont lancé une attaque suicide à la voiture piégée contre un convoi de la force française à Kaïgourou près de Gossi, dans la région de Tombouctou, faisant plusieurs blessés parmi les militaires. Selon le compte Twitter du journaliste de France 24 Wassim Nars, considéré comme un « expert » de l’EI :

« Fait rare, Barkhane frappée par une voiture piégée avec plusieurs blessés à Gossi, quelques heures après le premier discours d’Anabi, nouvel émir d’AQMI, dans un contexte de restructuration des forces françaises sur zone ».

Sur l’axe Bandiagara – Sévaré, deux véhicules ont été enlevés dont l’un contenant quatre membres du diocèse de Mopti.

22/06/21 – Mali : Le village de Dinangourou, proche de la frontière avec le Burkina Faso, est encerclé par des groupes armés. « Il y a plus de 10.000 personnes privées de tout. Depuis le 2 mai, personne ne rentre, personne ne sort. Et lorsque tu tentes de t’évader, on te bat à sang », selon une source locale. Le siège vise à essouffler les habitants et les réduire à l’acceptation des conditions des assaillants :

« A Farabougou, village à majorité bambara, cela s’était conclu par l’instauration d’un embryon d’Etat islamiste et tout porte à croire qu’il en sera de même à Dinangourou ainsi qu’à Petaga, où les forces armées et de sécurités se montrent pour l’heure aussi impuissantes que naguère dans le cercle de Niono. »

Farabougou est habité par des Dogon et des Bambara et les assaillants appartiendraient à la Katiba Macina du FLM, membre de la coalition du GSIM.

L’EI revendique la mort de « 13 combattants Touareg Imghad dont le commandant du groupe […] dans un affrontement le 03.06 à Ménaka. »

 

Variant flag of the Islamic State of Iraq and the Levant used by “Al-Shabaab”, “al-Qaeda in the Arabian Peninsula”, “al-Qaeda in the Islamic Maghreb” and “Boko Haram”.

L’« Irakisation »

Au Niger, l’EIGS revendique « une attaque à l’arme automatique contre le domicile du président de l’assemblée nationale à Niamey et la mort d’un gardien ».

« L’EI envoie un message aux autorités du #Niger, pays de la potentielle jonction entre le Sahel et le lac Tchad (donc de l’EIGS avec Boko Haram, ndr), mais ce qui est plus important que le message dans ce cas, c’est la démonstration de la capacité d’en envoyer un au cœur de Niamey. »
— Wassim Nasr

23/06/21 – Burkina Faso : Centre-Nord. Une attaque à l’engin explosif contre une équipe de l’armée à Baramiougou, zone de Korko Mossi (nord de Barsalogho), a été menée contre une mission de ratissage après l’attaque qui a couté la vie à 11 policiers. Bilan : 2 morts et un véhicule détruit.

23/06/21 – Niger : Un véhicule des FAN de l’opération Saki 2 a heurté un IED (engin explosif improvisé, en anglais Improvised explosive devices) à proximité du village de Sebba (commune de Makalondi, département de Torodi, région de Tillabery) dans le Liptako-Gourma, la zone dite « des 3 frontières » (partagée entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger), épicentre de l’insurrection djihadiste. Bilan : 3 morts et 2 blessés.

24/06/2021 – Mali :  Un présumé terroriste a essayé de poignarder un élément des FAMa (Forces armées maliennes) lors de la foire hebdomadaire de Boni, dans le cercle de Douentza. L’assaillant a été neutralisé par le militaire. Selon un analyste local, « même s’il n’y a pas un changement radical, il y a une évolution du modèle de la confrontation : la France opte pour l’action secrète, via les airs, et les Djihadistes répondent en ajoutant les attentats à la guérilla. C’est un processus d’irakisation. »

25/06/21 – Mali : Plusieurs soldats tués et des Casques bleus blessés dans deux attaques distinctes. Six soldats maliens ont été tués et un autre blessé lors d’une attaque dans le centre du pays. Plus tôt, quinze Casques bleus ont été blessés dans une attaque au véhicule piégé contre une « base opérationnelle temporaire » dans la région de Gao, dans le nord du pays, a rapporté la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (Minusma) sur Twitter.

L’attaque d’un poste militaire des FAMa dans le village de Boni (Centre) a fait six morts parmi les soldats et un blessé. Dix soldats maliens avaient déjà été tués en février dans ce même village.

30/06/2021 – Mali :  Aux environs de 16h30, un convoi de ravitaillement des FAMa, en partance pour Labbezenga (bourg frontalier avec le Niger), a été pris à partie par un groupe armé terroriste (GAT).

Face à l’intensification des violences, un message sur les réseaux sociaux d’un groupe de la société civile du Mali rappelle :

« Les Maliens se sont exprimés d’une vive voix à travers le Dialogue National Inclusif en faveur d’une solution négociée à la crise sécuritaire. La posture française tendant à maintenir ce climat de terreur loin de ses frontières est une ingérence inacceptable. »

02/07/21 – Niger : Report de la presse locale « quatre  civils ont été tués et treize combattants de Boko Haram neutralisés » le mardi 29 dernier sur la RN1 entre Mainé Soroa et Diffa (sud-est du Niger, proche du Nigéria).

02/07/21 – Mali : Opération Solstice. La ministre française des Armées, Florence Parly, a annoncé vendredi 2 juillet la capture et la neutralisation de djihadistes de premier plan au Sahel. Du 8 au 19 juin, la force Barkhane, la task force Takuba (composée de forces spéciales françaises et européennes) et l’armée nigérienne ont mené l’opération Solstice.

04/07/21 – Mali : Région de Mopti, cercle de Douentza. Plusieurs obus ont visé le poste militaire de Boulkessi. La multiplication des attaques contre les FAMa se déroulent à quelques heures après l’annonce de la reprise des opérations conjointes de Barkhane avec les FAMa.

Quatre soldats maliens ont été tués dans une attaque contre une mission administrative dans la zone de Léré, dans la région de Tombouctou (nord du Mali) ont indiqué ce dimanche 4 juillet les Forces armées maliennes sur leur site officiel.

08/07/21 – Mali : Tir de 4 roquettes grad 122 mm au matin contre le camp de la mission onusienne (Minusma) à Aguelhok (nord, région de Kidal) par des « terroristes ».

11/07/21– Burkina Faso : Centre Nord, Sammatenga. Des hommes armés ont attaqué le village de Nahi Mossi abritant la milice des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). L’incursion a couté la vie à au moins 7 VDP et 3 civils, dont une femme. Plusieurs concessions et le marché ont été incendiés.

Nuit du 15 au 16/7 – Mali : Les FAMa communiquent avoir neutralisé 8 terroristes.

17/07/21 – Mali : Mopti. Ces deux dernières semaines, au moins 18 personnes dont 11 ex membres de l’EIGS et 7 civils ont été assassinées par un cadre du GSIM sous l’ordre de Zaffar Dicko, ex chef d’Ansarul dans les secteurs de Kobou et de Boulkessi. (Source : société civile locale)

18/08/21 – Mali : Mopti. Situation préoccupante pour les habitants du village historique de Hamdallaye. Des combattants de la Katiba Ansar Eddine du Macina (KM, du GSIM) ont sommé les villageois de déguerpir, entraînant un véritable exode des populations.

Nuit du 22 au 23 juillet – Mali : Mopti. Des présumés djihadistes ont attaqué une position de la milice dogon Dan na Amassagou dans le village de Persougué, à 10 km à l’est de Sévaré.

23/07/21 – Mali : Un véhicule des FAMa a sauté sur un IED vers 11h00. L’incident s’est produit à 30 km environ de Boni (Centre) et a fait 5 blessés.

23/07/21 – Mali : Après l’annonce de sa transformation, Barkhane multiplie les opérations. L’état-major des armées françaises a annoncé jeudi 22 au soir avoir « neutralisé » au Mali deux cadres de l’organisation État Islamique dans le Grand Sahara : Rhissa al-Sahraoui et Abou Abderrahmane al-Sahraoui.

24/08/21 – Mali : Mopti Des présumés djihadistes ont attaqué le village de Bandiougou, 5 membres de Dan na Amassagou (milice communautaire dogon) ont été capturés.

25/07/21 – Mali : Wassim Nasr (sur France 24) rapporte que « le GSIM revendique plusieurs IED contre la Minusma à Gao et à Kidal, un bombardement contre la Minusma à Aguelhok et deux autres : un contre la Minusma et un contre Barkhane à Tessalit, ce dernier en date 15/7, plus une attaque contre les FAMa non située ».

 

Des djihadistes d’AQMI dans le Sahel (en 2010) Image: VOA (Domaine public)

La chute de la milice dogon

« Dans ces dernières 48 heures, au moins cinq villages Dogon ont été visés par des attaques… d’un cycle de violences sans fin. Le désarmement des civils est nécessaire pour asseoir une paix durable. La milice Dogon a perdu ses anciens qui étaient parmi les membres de l’ancien régime d’Ibrahim Boubacar Keïta. »
— Source : la société civile du Mali

25/07/21 – Niger : Tillaberi (proche du Mali Centre, région à majorité Zarma, peuplée aussi par les Peuls, Touaregs et Haoussa). Ce dimanche 25 juillet 2021, au moins 13 civils (12 hommes et une femme) ont été tués à Wiyé, un village situé à 6 km à l’est de la commune de Banibangou par des hommes armés venus à bord des motos. Les civils étaient dans leurs champs avant d’être tués. L’EIGS intensifie les attaques visant les Zarma.

26/07/21 – Mali : 24 heures après la revendication de plusieurs attaques contre les Casques bleus dans le Nord, une nouvelle attaque à l’EI a visé ce 26 juillet la Minusma à Aguelhoc.

Région de Mopti : près de Diafarabé, un officier des FAMa blessé dans une embuscade tendue par des présumés combattants de la Katiba du Macina (KM du FLM) a succombé à ses blessures.

Selon Wassim Nasr, le GSIM annonce « une campagne sécuritaire dans la région de Kidal contre voleurs et bandits des grands chemins, l’élimination d’Aqmus Ag Kalkali et l’arrestation d’un de ses acolytes, et appelle les habitants à aider les criminels à se repentir. »

30/07/21 – Mali : Mopti. La pression des groupes armés dans la région a engendré le déplacement massif des populations. Plus d’un millier de personnes ont afflué vers Sévaré dans ces dernières 48 heures. Le phénomène du déplacement des civils fuyant les violences est l’un des effets recherchés des pratiques anti-insurrectionnelles et « contre le terrorisme », en application des théories anti-subversives de la doctrine militaire appelée « guerre révolutionnaire ».

31/07/21 – Niger : Un communiqué du gouvernement annonce le décès de 15 militaires suite à une embuscade tendue par les GAT à un convoi de ravitaillement du poste militaire de Boni dans la zone de Torodi. Dans une vidéo non officielle circulant sur les réseaux sociaux, les auteurs de l’embuscade se réclament du GSIM et exposent une importante quantité d’armes prises aux forces armées du Niger (FAN).

02/08/2021 – Mali : Six malades ont perdu la vie faute de soins, dans le village de Songo, situé dans la Commune de Diabaly (Centre, cercle de Niono, région de Segou) et encerclé depuis le 3 juillet par des hommes armés non identifiés.

05/08/21 – Tchad : Au moins 26 militaires tchadiens ont été tués et plusieurs blessés mercredi 4 août dans une attaque de Boko Haram dans la région du lac Tchad, possible point de jonction entre les islamistes qui se battent dans la Liptako-Gourma et le Nord du Mali et les factions de Boko Haram, mouvement armé extrémiste d’inspiration islamiste, né au Nigéria et qui s’est répandu au Cameroun et dans le pourtour du Lac Tchad.

07/08/21 – Mali : Mopti. Au moins cinq personnes ont été enlevées dans la région de Mopti. À Djénné et à Bankass, 2 Peuls ont été capturés par la milice Dozo (chasseurs traditionnels, il s’agit d’une confrérie présente dans toute l’aire mandingue au Sahel. Depuis la guerre ivoirienne, entre 2002 et 2011, ils ont été instrumentalisés et pervertis dans la création de conflits entre les différentes communautés).

Ouenkoro : 3 personnes ont été enlevées dans une mosquée à Ouenkoro par des présumés djihadistes.

08/08/21 – Burkina Faso : 17 éléments de la GARSI (Groupes d’Action Rapides – Surveillance et Intervention au Sahel, forces spéciales) ont été tués au cours d’une embuscade tendue par le GSIM sur l’axe Toéni – Tougan.

08/08/21 – Mali : 51 civils ont été tués dans la région de Gao (Nord) à Karou, Ouatagouna, Daoutegeft, par des « présumés terroristes » à titre de représailles, selon un communiqué de la Minusma :

« Des meurtres susceptibles de constituer des crimes de guerre. Ils doivent faire l’objet d’enquêtes et les combattants ou chefs terroristes responsables doivent rendre des comptes ».  La mission onusienne est arrivée dans la zone « afin de protéger les civils ».

On lit dans la presse locale (Maliweb), quelques jours plus tard :

« La fuite massive des populations. Le dimanche 8 août, les localités de Ouatagouna, Dirgua et de Daoutegeft ont été la cible d’une attaque meurtrière d’hommes ouvrant le feu sur tout ce qui bougeait. Plus de soixante morts, des centaines de blessés. Un chiffre qui fait froid au dos. Une semaine après le massacre, les populations de ces localités fuient pour se réfugier à Ansongo ou à Gao. C’est le plus grand massacre après celui d’Ogossagou I et II. Selon des sources locales, une cinquantaine de motos ont foncé sur les villages d’Ouatagouna, Dirgua et Daoutegeft et ouvert le feu aussitôt. Cette attaque barbare et ignoble n’a pas été revendiquée, mais d’après les spécialistes des questions sécuritaires, l’Etat islamique au Grand Sahara serait derrière le massacre. »

10/8/21 – Mali : Région de Ségou. Le village de Songo est assiégé par des hommes armés depuis une vingtaine de jours. Le puit de la localité, qui se trouve dans la commune de Diabaly, a été dynamité, a-t-on appris d’une source villageoise qui parle d’une « véritable punition collective ».

Région de Mopti. La distribution des vivres donne lieu à des enlèvements dans le cercle de Bandiagara (pays Dogon). Deux élus municipaux et un secrétaire général d’une mairie sont détenus par la milice tribale dogon Dan na Amassagou « sous le regard indifférent des autorités ».

10/8/21 – Burkina Faso : Le GSIM fait circuler dans les réseaux sociaux les photos du butin pris pendant l’embuscade contre un convoi des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) sur l’axe Toéni – Tougan en date 8/08. On voit dans les visuels, des engins militaires, des armes et des munitions.

11/08/21 – Mali : Au moins 5 Dozos (chasseurs traditionnels) ont été tués et plusieurs autres blessés dans des affrontements avec la Katiba Macina (du GSIM) à Silama, à environ une trentaine de kilomètres à l’ouest de Dioura, dans le cercle de Tenenkou (Centre). Dans d’autres « incidents », au moins 25 jeunes Bellah (Touareg) ont été tués pendant cette semaine dans les rangs des Dozos pendant des affrontements avec la Katiba Macina près de Malemana (commune de Karéri, cercle de Tenenkou).

15/08/21 – Burkina Faso : Province de Oudalan (Nord, fief de l’ancien royaume Touareg). Selon un habitant de Goron, tôt ce matin, un violent affrontement a opposé les combattants locaux de l’ EIGS à ceux du JNIM à Férério dans la commune de Déou.

16/08/21 – Mali : Mopti. 17 Dozos ont été tués dans une embuscade tendue par la Katiba Macina à la milice Dozo de Djénné et à un groupe affilié à la milice Dan na Amassagou entre les localités de Marébougou et Dankoussa (région de Segou, Centre).

16/08/21 – Niger : La percée djihadiste se confirme à l’Ouest et la peur des populations se réinstalle près de la frontière malienne, où les attaques se multiplient. La dernière, en date 16 août, a fait 37 morts parmi les civils.  Cela s’est passé à Banibangou, dans la région de Tillabery, haut lieu de la culture et de l’histoire des Zarma, une communauté qui est particulièrement visée par l’EIGS.

17/08/21 – Mali : Région de Mopti. « Au su et au vu des autorités militaires » basées à Bandiagara (pays Dogon), le chef de village et l’imam de la localité de Djiguibombo ont été enlevés le 16 août et toujours détenus par la milice Dan na Amassagou.

 

Pick-up d’Ansar Dine à Tombouctou. Août 2012. (CC BY 2.0)

Embuscades réitérées et simultanées :
infiltration djihadiste dans les services de sécurité ?

18/08/21 – Burkina Faso : Une embuscade contre un convoi mixte de gendarmes de l’escadron porté et VDP (Volontaires de la patrie) entre Arbinda et Gorgadji sur l’axe Dori-Gorgadji, dans la zone de Liki (Nord), a fait environ 80 morts, selon une source gouvernementale citée par Radio Somega. Plusieurs dizaines de motos, des armes et munitions ont été saisies par les combattants du GSIM, auteurs de l’attaque.

18/08/21 – Mali : Le GSIM a par ailleurs revendiqué 9 attaques contre la Minusma dans la région d’Aguelhok entre le 26/7 et le 14/8. Les attaques ont été perpétrées avec plusieurs IED contre 2 véhicules des Casques bleus et avec des bombardements aux mortiers. Dans son communiqué le GSIM a rappelé les manifestations demandant le départ des troupes onusiennes.

19/08/21 – Mali : Région de Mopti. Dans un communiqué, l’armée malienne a annoncé qu’à Nokara, près de Boni (cercle de Douentza, Centre), une mission mixte GARSI (Groupe de surveillance rapide de surveillance et d’intervention) et RCP (Régiment de Commandos Parachutistes) est tombée dans une embuscade faisant 17 morts et 42 blessés. Suite à l’attaque, le GSIM s’est emparé pour la première fois d’une mitrailleuse AGS 65, une arme létale de fabrication russe dotée de 6 chargeurs garnis, dont un modèle équivalent est utilisé par les Chinois.

Avec cette arme, l’EIGS avait en 2019 porté les attaques d’Indelimane (Mali, 1er novembre – 70 soldats maliens et un Français tués) et d’Inates (Niger – 14 décembre, 71 soldats tués) avec des résultats effrayants. L’EIGS s’était emparée du modèle chinois pendant une embuscade contre l’armée nigérienne à Bellai-Beri, en mai 2019.

Nous avons pu reconstruire ainsi la dynamique de l’attaque de Nokara/Boni :

« Les unités maliennes étaient parties de Boni et de Hombori et l’embuscade s’est déroulée près de Douentza, a précisé une source sécuritaire. Le secteur où se situent Douentza, Boni et Hombori, dans la région de Mopti, est une zone de forêts clairsemées et de brousses surplombées d’un massif rocheux où sont implantés des éléments djihadistes liés à Al-Qaïda et à l’organisation État islamique. Les attaques contre les forces maliennes y sont régulières et meurtrières. Dix soldats maliens avaient ainsi été tués en février dans l’attaque du poste de Boni. »

« Ces embuscades réitérées et simultanées au Mali, Burkina Faso et Niger laissent planer des doutes sur la perméabilité de l’appareil sécuritaire de ces pays. Les djihadistes semblent être bien informés des mouvements et des itinéraires des armées locales. Ces dernières feraient mieux de débusquer ceux qui renseignent les islamistes dans leurs rangs avant de s’engager dans les opérations militaires », a déclaré à Guerre Moderne un journaliste proche du dossier sous le sceau de l’anonymat.

Région de Mopti. Dans ces 48 dernières heures, tous les véhicules en provenance ou en partance de Koro et Bankass sont interdits d’emprunter la RN15 par la milice Dan na Amassagou à cause de l’adhésion des autorités de ces cercles aux accords locaux de paix, que cette milice réfute.

« Cette restriction aux libertés fondamentales se passe sous le regard indifférent de l’administration Malienne. Les autorités de la transition sont interpellées pour mettre fin à cette impunité et défaire toute autorité parallèle à celle de l’État. »
— Source : société civile locale

L’embargo imposé par le GSIM depuis le mois d’avril au village de Dinangourou, dans la région de Mopti, a été levé suite à des négociations de paix.

20/08/21 – Mali : Dans une vidéo, le GSIM revendique l’attaque contre des miliciens Dozos entre Saré-Maré et Simaye, dans la région de Mopti. « Nous sommes des combattants du GSIM et les soldats d’Amadou Koufa et d’Iyad Ag Ghali. » Bilan : 1 Dozo tué, armes et mobylettes saisies par les djihadistes.

Région de Ségou. Cercle de Niono. Embuscade de la KM/ GSIM contre un ravitaillement de Dozos à Dlonguèbougou faisant 3 morts du côté de la milice. Butin des assaillants : un canon artisanal, 5 motos, 2 tricycles et des denrées diverses.

21/08/21 – Niger : Région de Tillabery (frontalière avec le Mali). Selon plusieurs sources concordantes, vers 20 h, des hommes armés circulant sur des motos ont attaqué le village de Theim dans la commune d’Anzourou faisant 20 morts et 4 blessés parmi les villageois. Il s’agit probablement l’EIGS, qui revendique rarement ses assauts, contrairement au GSIM, qui a l’habitude de les signer.

21/08/21 – Mali : Région de Gao, Nord. Un blindé du contingent égyptien de la Minusma a heurté un IED entre Tarkint et Tabankort.

Sud du Mali : Les FAMa annoncent des frappes aériennes contre les djihadistes à Boni, Guiré et Koutiala, ce qui témoigne de la percée islamiste dans le Sud, où Koutiala se trouve, dans le cercle de Sikasso.

21/08/21 – Tchad : Le Tchad retire 600 soldats sur les 1200 mobilisés en février dans la Liptako-Gourma, suite à un accord pris avec la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Tchad, Niger, Mali et Burkina Faso). La raison officielle de la décision est liée aux troubles en cours dans les régions septentrionales du pays. Cependant, le retrait pourrait être le fait de la volonté du président français Macron d’impliquer davantage Bamako dans la répression directe de l’insurrection islamiste au centre du pays.

 

Des djihadistes dans le nord du Mali (2012). Image: Morocco dismantles terror recruitment cell. (CC BY 2.0)

Montée en puissance du GSIM

22/08/21 – Mali : Le compte TwitterLarmes des Pauvres“, parmi les mieux informés, publie quatre visuels du butin pris aux FAMa lors de l’embuscade de Boni.

« Les djihadistes se renforcent avec un nouveau type d’arme, l’AGS 65. Les postes militaires de Mondoro, Boulkessi et Douentza sont très exposés à cause de cette montée en puissance. »

23/08/21 – Mali / Niger : Une source proche du dossier sécuritaire nous indique « qu’Adnane Abou Walid Assahrawi, fondateur et Chef de l’EIGS a été tué hier entre Menaka et le Niger ».

Mais, selon une autre source, « la force Barkhane en frappant des éléments de l’EIGS ce dimanche 22 août 2021 au sud-est d’Inates (Niger) ne visait pas Abou Walid Assahraoui. Si c’était le cas, elle aurait su qu’elle ne l’avait pas raté ».

Réplique de la première source, en date 29 août : « la mort du l’émir de L’EiGS Abou Alwalid AsSahrawi dans une frappe de Barkhane le 22/08/2021 à quelques kilomètres au sud-est de Inates (Niger) est confirmée à 200% ».

On peut ajouter qu’une grosse opération et des frappes de Barkhane ont été signalées depuis le 23 août au matin dans la zone de Tin-Atassene au sud-est de Tessit près de la frontière avec le Niger. Selon la confirmation officielle de l’opération de la force française, « le 23 août, une opération aéroterrestre a été menée à l’ouest de la ville d’Ouatagouna, contre les GAT auteurs d’exactions contre la population le long de la RN 17 ». Néanmoins, le fait que Barkhane ne mentionne pas la mort du dirigeant de l’EIGS, laisse des doutes sur sa disparition.

24/08/21 – Mali : Région de Segou. Face aux sièges et aux assauts quotidiens des combattants de la KM, un groupe de miliciens Dozos du cercle de Niono a rendu ses armes et amulettes aux combattants de la Katiba.

Région de Mopti. Les combattants de la Katiba Macina ont attaqué une position de la milice Dan na Amassagou à Saré Abé, hameau du village de Toumpou en pays Dogon. On compte trois blessés parmi les villageois dont un Dozo qui a succombé à ses blessures. Les combattants locaux du GSIM revendiquent avoir tué 3 et capturés 9 membres de Dan na Amassagou, avec la saisie de plusieurs armes et munitions appartenant aux miliciens. Le village a été entièrement détruit par les djihadistes.

25/08/21 – Mali : Sur le rapport du ministre de la Défense et des anciens combattants, le Conseil des ministres a adopté des projets de textes relatifs à la création, à l’organisation et aux modalités de fonctionnement de l’École de Guerre du Mali. Selon le communiqué du Conseil des ministres, « la complexité et la transversalité des questions de défense et de sécurité imposent aujourd’hui à notre pays de se doter d’une Ecole de Guerre, véritable pôle d’excellence de l’enseignement militaire supérieur à caractère scientifique ».

27-28/08/21 – Mali : Mopti. Dans la nuit du 27 au 28 août, des présumés combattants de la Katiba Macina ont dynamité le bâtiment de la maison des jeunes de la localité de Kouakourou (cercle de Djénné).

29/08/21 – Mali : Après avoir adhéré aux accords locaux de paix, les sociétés civiles de Koro et Bankass ont exprimé leur position, favorable aux dits Accords concernant la milice Dan na Amassagou, au cours d’une rencontre à Bandiagara en présence des autorités préfectorales. L’interdiction des activités de la milice dans les cercles de Koro et Bankass après la signature du protocole avait exacerbé la colère de Youssouf Toloba, chef de la milice, qui avait dénoncé « une transition des chefs de village et des organisations de la jeunesse ».

Segou. Un affrontement a opposé les Forces armées maliennes aux Dozos de Macina. « Conséquence directe de la persistance d’une armée qui décide de sous-traiter la sécurité des citoyens à des supplétifs civils », selon une source diplomatique qui a préféré garder l’anonymat. Il est également possible que les FAMa aient finalement décidé d’agir contre les miliciens Dozos pour ne pas laisser leurs attributions régaliennes aux djihadistes du GSIM.

30/08/21 – Mali : Mopti. Vers 5h du matin, des combattants de la KM ont attaqué une position de la milice Dan na Amassagou à Toumpou, sous-préfecture de Goundaka dans le cercle de Bandiagara (pays Dogon).

31/08/21 – Burkina Faso : Un convoi de la mine d’Essakane a été victime d’une attaque « terroriste » à Gorébalé, dans la commune de Yalgha (Centre-Est). Un assaillant a été abattu, le matériel récupéré et un gendarme blessé lors de la riposte menée par l’escorte de la gendarmerie (selon Djakaridia Siribié, journaliste).

 

Conclusions

Le changement du dispositif de la guerre annoncé par Paris début juin a eu, comme premier effet, l’intensification des activités militaires, l’élargissement de leur rayon d’action et une diversification des modes opératoires des belligérants.

La France et les forces sous son commandement direct (Task Force française Sabre, force européenne Takuba) se consacrent à l’action secrète, invisible. Paris délègue dorénavant aux armées du G5 Sahel les tâches de la contre-insurrection dans le Liptako-Gourma (zone « des 3 frontières ») et dans le Nord du Mali. Cette stratégie bénéficie aux deux formations djihadistes principales, les GSIM et l’EIGS, à l’aise face aux armées locales, plus faibles.

L’autre paradoxe est que l’offensive de l’un de ces mouvements, le GSIM, contre les milices ethniques du Centre du Mali et du Nord du Burkina Faso a sensiblement réduit le nombre des affrontements liés aux « conflits intercommunautaires », notamment les attaques visant les Peuls, auparavant objet d’une véritable traque et décimation.

Le renforcement du GSIM, sa guerre collatérale avec l’EIGS, la perte de vitesse progressive des armées sahéliennes et la montée en puissance des forces spéciales (françaises, européennes et, au moins dans les intentions déclarées, africaines) complexifient un cadre déjà très meurtrier pour les civils et qui risque de le devenir encore davantage.

Le chiffre de 527 civils tués, blessés ou enlevés entre le 1er avril et le 30 juin 2021 avancé dans le dernier rapport de la Minusma, publié ce 30 août, indique en effet une progression globale de plus de 25% du nombre de victime par rapport au trimestre précédent.

Cette spirale militaire en extension territoriale et laissant percevoir les prémisses d’une durée illimitée de la guerre ne peut être arrêtée que par la négociation avec les composantes djihadistes, comme il a été prôné à Bamako pendant le Dialogue national inclusif, en décembre 2019.

« Lorsque les populations locales perçoivent les factions djihadistes comme faisant partie de la solution pour subvenir à leurs besoins de base quotidiens, l’action militaire, l’amélioration de la gouvernance et la responsabilité ne suffisent pas. »
— Wassim Nasr, Negotiating out of Counterterrorism in the Sahel

LE

À lire:

Note sur les tendances des violations et atteintes aux droits de l’homme et au droit international humanitaire au Mali – Juin 2021, Minusma, 30 août 2021 (pdf).
https://minusma.unmissions.org/sites/default/files/note_trimestrielle_avril-juin_2021-30_aout_2021.pdf

Wassim Nasr, Negotiating out of Counterterrorism in the Sahel, IntelBrief, 6 août 2021
https://thesoufancenter.org/intelbrief-2021-august-6/

 

Illustrations principales :
Pampa attack, 10 September 2020. Image: Koaci (CC A-SA 4.0 Int.)
Photo aérienne du fort de Madama – Niger, novembre 2014. Image: Thomas Goisque (CC A-SA 3.0 Unported)

Traductions :
tr1 – « The Malian army is accused of killing more civilians last year than the jihadist insurgents it is supposed to be battling. »
tr2 – « The lack of accountability by France over civilian deaths fuels local anger »… « this has the potential to build support for the jihadist movements fighting the Malian government and French forces. »

 

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