Traité de Non Prolifération: des illusions françaises coulées par Canberra, Londres et Washington

par | 22 Oct 2021 | Analyses

PROLIFÉRATION NUCLÉRAIRE

1 – À ceux qui claironnent avec empressement et sans discernement que les nantis de l’arme atomique sont des criminels qui devraient être sanctionnés par un tribunal international, il sera utile de rappeler que les adeptes de la bombe sont parmi nous, y compris en Corée du Sud, au Japon et dans d’autres contrées encore moins pacifiques. Et rassurons-nous par la même occasion : les autorités de Séoul et Tokyo ne disposent pas encore de sous-marins à propulsion nucléaire. Pas encore.

2 – À ceux qui nous font miroiter l’importance de préserver mordicus le Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP) pour que certains proliférateurs prolifèrent davantage que les autres, la rupture du « contrat du siècle » vient nous rappeler que ce TNP n’interdit pas le recours à l’uranium enrichi pour propulser un sous-marin. Nombreux sont ceux qui se félicitent de ces « trous dans la raquette », y compris la marine brésilienne.

3 – Pour l’entreprise Naval Group, le contrat australien – qui ne représentait que 10% du chiffre d’affaires – était mal parti depuis que certaines données de la société DCNS (son ancienne appellation) avaient été piratées. La fuite de 22 000 documents relatifs à la capacité de combat de ses sous-marins Scorpène en cours de construction en Inde a fait désordre, même auprès des ingénieurs tunisiens recrutés à Cherbourg.

4 – Les personnalités politiques comme Emmanuel Macron qui, dès 2017, ont désigné l’Australie comme l’un des pivots de leur stratégie indopacifique doivent s’en mordre les doigts. D’autant plus que – cynisme du calendrier – l’annonce de la création de l’AUKUS est intervenue à la veille de la présentation à Bruxelles d’une « stratégie indopacifique de l’Union européenne » (UE).

5 – Pour le peuple australien, la pilule est d’autant plus amère que les dirigeants à Canberra ont été soumis aux mêmes tentations nucléaires lorsque la Chine de Mao s’est lancée dans l’aventure de la bombe au début des années 60 (avec une première explosion sur le site de Lop Nor en 1964). Dès 1965, le Premier ministre australien avait tenté de rejeter les exigences américaines (d’un contrôle via l’Agence Internationale de l’Énergie atomique), pour ne pas priver son pays de l’option nucléaire militaire.

6 – La classe politique australienne dans son ensemble va devoir convaincre et se convaincre que, dans le cas d’une confrontation avec la Chine, il vaudrait mieux s’abriter derrière le parapluie (nucléaire) troué, comme au bon vieux temps. Au-delà du fait de savoir si le premier sous-marin australien sera baptisé Xi JinPing, comme le suggère Peter Jennings, le directeur du think tank Australian Strategic Policy Institute, un constat s’impose : se soumettre aux volontés de l’Empire aux abois, renoncer à toute réflexion stratégique nationale, à l’instar des alliés européens de l’OTAN, voilà le prix à payer pour bénéficier demain d’un transfert de technologie.

7 – Pour le Parti Vert australien, farouchement opposé au deal du triumvirat, le choix est simple : il faut non seulement dénoncer l’apparition prochaine de « Tchernobyls flottants » dans les eaux territoriales, mais œuvrer en priorité pour que le Premier ministre Morrison s’effondre dans les sondages et disparaisse de la scène politique (lors des prochaines élections du printemps) afin que les tractations au sein d’AUKUS n’aboutissent pas.

8- À ceux qui veulent rouler dans la farine les plus naïfs d’entre nous en leur expliquant, à l’instar du Commissariat à l’Énergie atomique (CEA), que les États qui détiennent une capacité nucléaire civile (au nombre de 44 selon l’ONU) ne sont nullement attirés par l’acquisition d’armes nucléaires, d’autres mises en perspective sans production de fake news vont s’imposer.

9 –La rupture du contrat franco-australien laisse les stratèges perplexes : oui ou non, la propulsion d’un sous-marin peut-elle faire toute la différence ? La question ne doit pas surprendre, même en France où deux candidats (favoris) à l’Élysée étaient incapables de chiffrer en 2007 le nombre de sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) et de sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE). Peut-être ont-ils appris depuis que parmi les rares pays capables de faire naviguer des sous-marins à propulsion nucléaire, tous sans exception sont des puissances nucléaires militaires.

10– À force de se faire ridiculiser voire marginaliser par Washington, les champions de l’exception française risquent fort de s’accrocher aux vertus légendaires d’un certain nationalisme nucléaire ; et se poser en victimes (comme à l’époque du Rainbow Warrior) du complot anglo-saxon contre « l’atome perturbateur d’alliances, destructeurs d’empires, qui guérit de la discipline des blocs et relâche les soumissions » (Régis Debray au colloque du Groupe de Bellerive, Genève, le 28 juin 1985).

 

Ben Cramer

 

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Illustration:
Modèle au 1/5ème du sous-marin américain Albacore en test
dans la soufflerie 30 x 60 pieds de Langley, 10 mars 1950.
Wikimedia (public domain)

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