Comprendre notre temps, son histoire et ses enjeux

par | 10 Jan 2021 | A propos

Voilà plus de deux ans maintenant que nous projetons de faire cette revue. L’idée en est venue, un jour d’été, autour d’une table, dans un jardin, alors qu’on était réunis pour discuter d’un futur numéro de La Nuit rwandaise, revue annuelle de 500 pages consacrée à l’implication française dans le génocide contre les Tutsi éditée depuis 2007. À ceci s’est ajouté, depuis 2013, le travail de L’Agence d’information, sur Internet, s’appliquant à déchiffrer l’horreur toujours en cours dans l’est de la République démocratique du Congo, vrai cas d’école de la « guerre moderne ».

Guerre moderne, c’est l’autre nom de la « guerre révolutionnaire », théorie militaire française, née pendant la guerre d’Indochine et constamment en œuvre dans l’ensemble des conflits depuis.

Pour nous, c’est en 2004 que cette doctrine oubliée des observateurs est apparue dans notre champ d’études, suite au travail de Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l’école française, mais surtout grâce aux exposés de Gabriel Périès, nous permettant de comprendre qu’y compris le génocide intervenu contre les Tutsi au Rwanda en 1994, comme le soutien aux dictatures latino-américaines des années 1970, et, plus près de nous, les guerres d’Irak et d’Afghanistan, par exemple, tout cela, c’est de la « guerre révolutionnaire ».

En 1961 paraissait le manifeste de ce courant de pensée militaire français : La Guerre moderne, du colonel Roger Trinquier, réputé vainqueur de la bataille d’Alger, entre autres exploits. L’idée de lui emprunter son titre pour notre revue est alors venue, et on s’est aussitôt excités à la perspective de sortir de notre « pré carré » – l’Afrique des Grands Lacs – pour nous intéresser au reste du monde. Le scandale de l’aide massive apportée par la France à l’intervention saoudienne au Yémen était déjà un motif suffisant. L’autre scandale de la politique menée en soutien au maréchal Haftar, en Libye, donnait aussi matière. L’inouïe perversion de l’action entreprise dans le Sahel, de même, avec le redoutable défi, là, de démêler l’indémêlable…

Mais plus encore, on n’était pas sans savoir que la doctrine dite de « guerre révolutionnaire », autrement nommée de « contre-insurrection », s’applique dès sa conception au domaine de la politique intérieure. Depuis une bonne vingtaine d’années, les « Livres blancs de la défense », que l’armée française produit régulièrement pour mettre à jour sa doctrine, ne font plus mystère sur le fait que la « défense » se joue à l’intérieur comme à l’extérieur, dans le droit fil de ce qu’expliquent les penseurs de la « guerre révolutionnaire » depuis « l’Indo ». Le terrorisme planétaire, tel qu’il est apparu en 2001, permettra de « justifier » cette évolution particulièrement inquiétante pour ce qu’on appelle « une démocratie », mais non moins revendiquée, de « livre blanc » en « livre blanc » et de loi en loi.

L’année dernière, on découvrait le travail de Bernard Harcourt, un universitaire américain, expliquant que le maintien de l’ordre aux États-Unis découle de la même théorie de la guerre révolutionnaire française, ainsi que l’explique depuis longtemps Mathieu Rigouste pour la France. Pendant ce temps, justement, les Gilets jaunesexpérimentaient ce qu’avaient déjà entrevu les manifestants contre la « loi travail » peu avant, comment la gestion des manifestations s’est brutalement radicalisée, faisant apparaître plus que jamais le problème des « violences policières », identique de Paris à Minneapolis, en passant par Hong Kong aujourd’hui. La coopération militaire se double désormais d’accords de coopération policière, ainsi qu’on l’a vu au Mexique.

Enfin arrive la Covid-19, et là s’ouvre un autre pan de la « guerre moderne », ce qu’on appelait la « guerre bactériologique », mieux dénommée « guerre biologique » dont l’histoire n’est pas la plus facile à faire puisque, dès le départ, depuis plus d’un siècle, leur caractère immoral, largement impopulaire, et de fait prohibé, imposait que ces recherches soient absolument secrètes, plus que tout. Le travail d’Étienne Aucouturier, explorant la dimension française de cette spécialité litigieuse, est un éclairage important sur la réalité incroyablement méconnue des recherches d’armes biologiques, et l’avance technologique remarquable de la France, qui mériterait un cocorico, sauf qu’il n’y a pas de quoi se vanter, semble-t-il. « Guerre moderne », c’est ainsi qu’on appelait aussi, dès ses lointaines origines… la guerre « bactériologique »…

Ainsi, à mesure que mûrit le projet de cette revue, on découvre qu’il est chaque jour plus d’actualité. Espérons apporter assez d’aperçus pertinents sur cet univers glauque de la guerre – l’effroyable jeu de la mort –, pour aider à comprendre notre temps, son histoire et ses enjeux.

Pour aider à s’en sortir.

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