HIROSHIMA
Une fiction de 1953, tournée en dehors des studios, revient sur la tragédie vécue par les survivants de la bombe atomique qui est tombée sur Hiroshima le 6 août 1945, un matin.
« Ce film raconte ce qu’est la guerre moderne. Il me rappelle aussi l’horreur. Les souvenirs sont toujours un combat contre l’oubli. Les gens tournent le dos aux choses dont ils ne veulent pas se souvenir. C’est pourquoi je veux que les gens du monde entier voient ce merveilleux film. »
— Dixit Oliver Stone.
Qui se trompe. Car cet Hiroshima n’a rien de merveilleux.
Au début des années 50, un professeur d’Anglais constate que plusieurs de ses élèves souffrent encore des séquelles de la bombe atomique. Et pourtant, ils sont moqués par leurs camarades qui les accusent de vouloir attirer l’attention sur eux et profiter de la situation. Pendant ce temps, dans un Japon en reconstruction, les américains paradent aux bras de prostituées et au lieu de soigner la “maladie atomique” comme promis, ils ne font que la mesurer comme si ce n’était qu’une expérience scientifique.
Dans un grande flashback, le film revient sur cette matinée du 6 août 1945. La vie suit le cours normal d’un pays en guerre conventionnelle quand vrombissent les hélices du Enolay Gay. Pour une fois, aucune sirène ne vient annoncer le passage du B-29. Puis un flash aveuglant, une explosion, un souffle.
À quelques centaines de mètres au-dessus du sol, la première bombe atomique lancée sur une population civile vient d’éclater.
Les plus chanceux se trouvaient dans le rayon d’un kilomètre, et ont été pulvérisés. D’eux, il ne reste rien ou alors que des ombres projetées sur des murs.
Pour les autres, c’est le début de l’enfer sur terre. Ce ne sont plus des êtres humains, mais des zombies, des morts-vivants, des spectres en haillons, qui se relèvent péniblement des décombres. Une immense plainte de douleur se fait entendre. Et ils ignorent tout de ce qui les attend, une mort lente et douloureuse. Certains sont pris de folie, et parmi eux, il y a des enfants.
S’il accuse directement les américains, pour autant, le film ne fait pas l’impasse sur la responsabilité de l’état-major japonais. Dès les premiers jours, l’armée nippone va nier qu’il s’agit d’une bombe atomique alors que le monde entier est au courant. Pour les militaires, les dégâts matériels causés à Hiroshima ne sont qu’une “machination de l’ennemi”. Mais la rumeur enfle, on dit que l’herbe ne repoussera pas avant 70 ans.
Le film est une adaptation libre de témoignages d’enfants (Les Enfants de la Bombe A : Testament des garçons et des filles d’Hiroshima) recueillis par Arata Osada, un pédagogue. C’est d’ailleurs un syndicat d’enseignants qui est à l’initiative du long-métrage. Celui-ci est passé sous silence car jugé trop anti-américain.
À l’époque de sa sortie, les “Hello” sont de nouveau en guerre en Corée, et ils font fabriquer leurs bombes par une population japonaise encore traumatisée. La relative discrétion du film est due également au fait qu’il montre la réalité de la bombe, l’aveuglement des autorités locales, mais aussi la docilité et le mépris de la population.
Ce qui fait de ce Hiroshima, dont Alain Resnais reprendra quelques images pour son drame durassien, un véritable devoir de mémoire.
À la fin, les morts émergent des ruines et marchent vers la caméra comme pour hanter le peuple japonais, et par extension, l’humanité.
Hiroshima.
Un film de Hideo Sekigawa.
Carlotta Films, 1953.
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