DOCUMENTAIRE
Les yeux des pilotes d’hélicoptères en opex voient clair dans la nuit noire. C’est aussi un regard qui tue. Un documentaire composé d’images de combats suscite effroi et fascination chez le spectateur.
Deux véhicules arrêtés côte à côte dans un champ. Il fait nuit noire, mais grâce à sa vision nocturne, le pilote d’hélicoptère situé à plusieurs kilomètres de là parvient à distinguer les conducteurs qui en sortent. Les deux hommes échangent quelques mots, puis l’un d’eux va chercher un objet allongé recouvert d’un drap, semble-t-il. Mais percevant le bruit de l’hélicoptère, ils se mettent à courir. Le premier jette l’objet dans un champ avant de revenir à sa voiture. Sur le chemin, on aperçoit une forme qui pourrait être un tracteur. Si ces deux hommes sont des paysans, ils n’ont rien à faire là en pleine nuit. Et cet objet jeté brutalement à terre, est-ce un fusil ou une bêche ? L’identification est positive. Les individus sont armés, le pilote est autorisé à faire feu. L’un des suspects est réduit en bouillie, tandis que le second se cache derrière son camion. Une rafale silencieuse fait exploser le véhicule et projette le combattant/insurgé/islamiste/paysan au sol. Il agonise. Une nouvelle rafale l’achève. Au mépris des conventions internationales.
Les points blancs disséminés dans le paysage et rendus visibles par les lunettes électroniques du pilote sont des éclats d’obus et du sang humain. Filmer pour tuer. L’acte ne pouvait qu’interpeller un cinéaste.
Et c’est Eléonore Weber qui s’est attelée à ce documentaire après avoir découvert par hasard des images d’hélicoptères de combat français et américains. Malgré le secret-défense qui les entoure, des vétérans les postent sur internet, par fierté. Et on les regarde parce qu’elles sont fascinantes, et effroyables.
La nuit est abolie
La nuit est abolie, la distance est abolie, le son est aboli.
Les visages sont abolis.
Pumas ou Apaches tournoient au-dessus du moyen-orient, théâtre d’une guerre perpétuelle, et canardent toute silhouette suspecte.
Une fois, ils ont tué des paysans. Une autre fois, comme en 2003, c’est un journaliste. Les soldats ont confondu son trépied photo avec une Kalachnikov.
“Plus ils voient, moins ils voient” explique la voix d’une actrice qui rend poétiques, voire cinématographiques, ces images de mise à mort. D’ailleurs, le titre fait référence à l’Apocalypse selon la Bible sous la forme de : “il n’y aura plus de nuit; et ils n’auront besoin ni de lampe ni de lumière, parce que le Seigneur Dieu les éclairera. Et ils régneront aux siècles des siècles”, etc.
Alors le spectateur est amené à essayer de sortir de la torpeur hypnotique dans lequel ce bout à bout de véritables films de guerre ou de films de guerre véritable les plonge. D’autant plus que ces dispositifs de surveillance sont peut-être déjà appliqués dans le civil.
Ne pas nous laisser totalement passifs devant l’horreur, c’est l’un des grands mérites de ce documentaire nyctalope.
Il n’y aura plus de nuit.
Eléonore Weber.
UFO Distribution
«Des images provenant d’hélicoptères sur le théâtre des opérations. L’œil insatiable des pilotes scrute le paysage. Les hommes qui sont visés ignorent qu’ils le sont, ils n’ont pas repéré d’où venait la menace. L’intervention a lieu sous nos yeux. Celui qui filme est également celui qui tue.»
Sortie en salle : 16 juin 2021
Documentaire | Durée : 1h16
De : Eléonore Weber
Texte dit par Nathalie Richard
Production : Gaëlle Jones, Perspective Films
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