Les forces spéciales américaines en RDC : une perspective nébuleuse

par | 19 Août 2021 | Informations

« Venus pour combattre #IS ? »

Après l’échec afghan, quelle réponse pourront apporter les unités d’élites de l’armée USA aux massacres dans l’Est du pays, au vu des implications de l’armée congolaise dans les violences meurtrières, et où la présence de DAECH est davantage un leurre qu’une réalité ?  

 

Le dimanche 15 août, une délégation des Forces spéciales américaines, arrivées à Kinshasa deux jours auparavant pour un séjour de plusieurs semaines, s’est entretenue avec le président Félix Tshisekedi Tshilombo de la République démocratique du Congo (RDC).

Invitée par le gouvernement congolais, l’équipe était accompagnée par l’Ambassadeur étatsunien Mike Hammer, un ancien sécurocrate de l’Administration Obama. Le fonctionnaire a expliqué à la presse que ces unités d’élite de l’armée de Washington sont venues en RDC pour « collaborer avec le ministère de la Défense et les FARDC (Forces armées de la république démocratique du Congo, ndr) pour une évaluation de la future équipe congolaise de lutte contre le terrorisme », dont l’objectif déclaré serait « de se focaliser sur Daech-RDC dans l’Est du Congo » dans le cadre de la Coalition mondiale pour vaincre Daech, selon les reports de la presse.

Dans un communiqué de l’Ambassade USA à Kinshasa, on lit que « L’évaluation de l’équipe des Forces d’opérations spéciales informera les principaux responsables congolais de la Défense alors qu’ils cherchent à mettre sur pied une équipe efficace qui lutte contre le terrorisme et promeut la paix et la stabilité en faveur du peuple congolais ».

Éléments des forces spéciales américaines dans le parc des Virunga

Éléments des forces spéciales américaines dans le parc des Virunga au Nord-Kivu, 19 août 2021, Twitter

Ce 19 août, « une source locale confirmait l’apparition d’éléments des forces spéciales américaines dans le parc des Virunga au Nord-Kivu, venus combattre les militants de l’IS (ISCAP)[1]. » Jean Baillaud réagissait aussitôt sur Twitter: « Venus pour combattre #IS ? » Celui qui, durant trois ans, a été le numéro deux de la composante militaire de la Mission de l’Onu pour la stabilisation de la République démocratique  du Congo (Monusco) s’interroge : « Ne s’agit-il pas d’une visite de conseil ? »

La visite, avec l’implication imminente des commandos de l’US Military dans l’Est du pays, a ainsi suscité la perplexité des observateurs et de la classe politique locale. Si le timing concomitant avec le retrait des troupes USA d’Afghanistan et le constat d’échec conséquent de vingt ans de présence américaine dans ce pays du Moyen Orient en est un élément, des questions sont également posées sur le sens de la coopération avec l’armée rdcongolaise considérée comme la souche primaire des groupes armés qui sèment mort et désolation dans l’Est de la RDC.

 

La fabrication de l’État islamique

Des doutes plus que légitimes, par ailleurs partagés par les enquêteurs des NU, sont aussi soulevés sur l’affiliation à Daech de certains parmi les groupuscules de tueurs de civils qui agissent dans l’impunité depuis sept ans dans la province orientale du Nord-Kivu. Nombreux rapports, y compris de l’ONU, ont mis en évidence les liens entre ces bandes armées et les officiers des FARDC qui les manipulent après les avoir cooptées dans la coalition criminelle que l’on appelle « ADF ».

On fait remarquer que ceux qui sont à l’origine de cette dynamique perverse et létale, qui a provoqué la mort d’au moins 6000 personnes depuis 2014, auraient procédé à l’islamisation forcée d’une part de ces forces criminelles, dont les forfaits sont depuis quelques temps relayés par l’agence Amaq de Daech. Ce qui pourrait bien être l’effet d’un travail de renseignements pour établir la connexion avec la centrale de l’information djihadiste.

La fabrication de l’Etat islamique (EI) en RDC ne peut que bénéficier sur le plan politique et financier aux autorités de la RDC. Ces dernières ont reçu en juillet dernier par les USA une enveloppe d’un montant de 1.6 milliards USD dans le cadre d’un accord de coopération entre les deux pays, dont l’une des finalités serait l’ « éradication du terrorisme » dans l’Est.

Sur le plan strictement militaire, un protocole d’accord de relance de la coopération a été signé fin octobre 2020 entre les Américains et le ministre de la défense rdcongolais. En janvier, une délégation d’Africom, le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique, créé en 2007, avait été reçu par Tshisekedi. A l’occasion, l’attaché de défense USA et le chef d’Etat-major des FARDC s’étaient réunis pour une conférence virtuelle avec les médias.

On nous reporte de l’ironie, quelque peu malveillante, d’une source diplomatique à l’Est de la RDC : « Ils ont fait les valises à Kabul et les posent à Kinshasa… Ils partiront du Congo, comme ils sont partis de l’Afghanistan, en laissant derrière eux un Kivustan ? ».

L. Elongui

 

[1] « #DRC – A local source confirmed the appearance of US special forces elements in Virunga Park in North Kivu, who came to fight IS militants (ISCAP) ».

Illustration:

Sergeant David N. Gunn, Des hommes de l’ODA 3336 en opération dans la vallée de Shok, le 15 décembre 2008, United States Army, Wikipedia.

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