Gouvernance de «guerre révolutionnaire» au Mali (Exfiltration du patron de la FORSAT)

par | 6 Sep 2021 | Brèves

MALI MILITARI

L’exfiltration armée du patron de la FORSAT (Force Anti-Terrorisme) de la maison d’arrêt de Bamako témoigne de la montée en puissance de l’État militaire et de ses unités d’élite vouées à l’action secrète.

Elle s’inscrit, de manière cohérente, dans la nouvelle doctrine française appliquée au conflit sahélien qui privilégie les méthodes de la contre-insurrection contre les dirigeants islamistes, mais aussi contre l’opposition civile et les mobilisations populaires.

L’« exfiltration » d’Oumar Samaké,
« 
responsable du meurtre d’au moins 14 civils »

« Les policiers sont venus en grand nombre bien armés.  Nous n’avons pas fait la résistance, ils sont partis avec Oumar Samaké sans incidents ».
— Yacouba Traoré

Reporté par l’AFP, le propos quelque peu glacial du garde pénitentiaire Yacouba Traoré en dit long sur les méthodes de la dictature militaire au Mali. Un fonctionnaire de police à la tête d’une unité anti-terrorisme responsable – selon la magistrature – du meurtre d’au moins 14 civils pendant les manifestations anti gouvernementales de juillet 2020 a ainsi été libéré manu militari par un groupe de ses collègues, 24 heures après avoir été écroué par décision des juges de Bamako.

Les événements, qui se sont déroulés le samedi 4 septembre, ont suscité l’indignation de l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), qui fait état d’une « libération au forcing » et « condamne avec véhémence (cette) atteinte grave à la démocratie et à l’État de droit ». L’Ong « fustige cette obstruction au travail de la justice par des agents chargés de l’application de la loi et craint que cette situation sape des efforts en cours en matière de lutte contre l’impunité ».

Les forces anti-terroristes employées contre les mobilisations populaires

Le 10 juillet 2020, une mobilisation populaire contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta avait été violemment réprimée par la police, avec un bilan de 23 morts, selon l’opposition, et 14 selon les Nations-Unies.

A l’époque, selon le journal Le Monde :

« Les journalistes de l’AFP avaient vu des hommes encagoulés vêtus de noir, arme automatique à la main à l’arrière de pick-ups dans les rues de Bamako, sans marque distinctive. Ils avaient été communément identifiés comme des membres des forces antiterroristes. Leur emploi à des tâches de maintien de l’ordre avait suscité l’indignation. »
Le Monde, 05/09/21

«La mission primordiale pour nous c’est de tuer.»
Oumar Samaké

Ces forces anti-terroristes, FORSAT, qui étaient et sont sous commandement du commissaire divisionnaire Oumar Samaké, ont été formées et collaborent avec le RAID (Recherche, Assistance, Intervention, Dissuasion), commando d’élite de la police française.

Dans une interview à Maliactu.net, le 22 juin 2017, Samaké expliquait qu’ « une unité de la FORSAT se compose généralement de 3 à 10 personnes. On y trouve des snipers, des tireurs d’élite… des agents d’infiltration pour la collecte de renseignement… La mission primordiale pour nous c’est de tuer. »

« L’exfiltration armée » du commissaire Samaké, loin d’être un mouvement d’humeur de policiers surexcités, est au contraire emblématique des conséquences, sur le plan régional, du virage doctrinal pris par Paris dans la conduite de la guerre au Sahel.

Établi en juin dernier par le président français Macron, le nouveau dispositif sous-entend, d’une part, l’intensification des opérations ciblées contre les dirigeants islamistes et, d’autre part, l’augmentation de la répression contre les civils qui contestent la politique du régime des colonels.

Tout semble indiquer, à l’instar de l’évasion du commissaire Samaké, qu’un pas de plus a été franchi dans la « lutte antisubversive ». Ainsi, l’État malien intègre pleinement l’« opération militaire internationale » et assume les méthodes de gouvernance qu’elle implique, dictée par les principes de la « guerre révolutionniare », summa conceptuelle des théories contre-insurrectionnelles de l’École militaire de Paris.

« Je ne crois pas au ’state building’. Ce n’est pas aux Occidentaux d’aller construire un État au Mali »
— Emmanuel Macron

L’affirmation récente du chef de l’Etat français, selon laquelle la France au Sahel va dorénavant s’occuper strictement d’anti-terrorisme, sans donc plus soutenir le processus de reconstruction de l’État malien, est une contradictio in terminis.

Une sorte de dissimulation dialectique, à laquelle l’analyste belge Yvan Guichaoa a répondu :

« [P]rétendre que faire « juste » du contre-terrorisme revient à ne pas se mêler de construction étatique est d’une malhonnêteté folle. Comme si désigner et assister des partenaires de combat et des interlocuteurs politiques exclusifs n’était pas en soi fabriquer de l’État ».

En prétendant ne pas participer au renforcement de l’État malien, Emmanuel Macron semble peut-être vouloir éviter que ne soit questionnée la nature de l’État – une dictature militaire – qu’il soutien à Bamako.

LE

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